Le mythe de l’outil miracle
« Comment tu fais pour trouver et choisir le bon outil pour répondre à une demande ? »
« Je cherche une idée pour une séquence de facilitation dans un séminaire. Il s’agit d’un groupe de techniciens regroupés dans la même équipe depuis 6 mois. On souhaite qu’ils créent leur fiche d’identité avec leurs activités de manière exhaustive. Aurais tu une idée d’outil pour faire ça ? »
« Dans le cadre du séminaire de notre nouveau collectif de communicants, nous aimerions cartographier nos expertises. Avec quel outil on pourrait faire ça ? »
J’ai fréquemment ce type de sollicitations de la part d’apprenants que je forme à la facilitation ou de pairs facilitateurs.
❓Qu’auriez vous répondu à ma place ? 💭🫧
Personnellement, je ne sais pas imaginer des dialogues sans connaitre le décor, pour quoi et pour qui se jouera la scène 🫥 Alors je réponds souvent quelque chose du genre : « Je ne sais pas … j’ai besoin d’informations … quels sont les éléments clés de la phase de qualification ? quelles intentions et quels livrables ont été validés avec le commanditaire pour cette demande d’accompagnement ? … »
Le cadrage est clé
Dans le processus de facilitation, la phase de cadrage, également appelée qualification, est un moment clé pour poser les fondations d’un accompagnement réussi. Cette étape permet de comprendre le contexte, ce qui se joue, capter les attentes du commanditaire en dépassant les demandes explicites pour comprendre les enjeux sous-jacents.
J’utilise le modèle SPIRE pour cadrer une intervention de manière rigoureuse en posant des questions exploratoires, tout en tissant une dynamique confiance avec le commanditaire.
SPIRE
- Situation (Comprendre le contexte global de la situation initiale, récupérer des éléments factuels)
Exemples de questions à poser : Quelle est la situation actuelle ? Quels sont les faits ou les événements marquants ? Qui sont les acteurs impliqués et leurs rôles ? - Préoccupation (Identifier les enjeux, tensions ou problèmes ressentis ; faire émerger les préoccupations sous-jacentes pour ne pas se limiter aux symptômes visibles)
Exemples de questions à poser : Quelles sont les préoccupations principales des parties prenantes ? Quels défis ou tensions émergent dans la dynamique actuelle ? Y a-t-il des peurs ou des résistances à surmonter ? - Impact (Explorer les effets des enjeux identifiés sur le collectif ou l’organisation. Mesurer l’importance et l’urgence des enjeux en termes de conséquences)
Exemples de questions à poser : Quel est l’impact des préoccupations sur les équipes ou les résultats ? Quels sont les effets sur la collaboration, la communication ou la performance ? Que se passerait-il si ces impacts n’étaient pas traités ? - Résultats Espérés (Expliciter les résultats concrets et atteignables souhaités. Se projeter dans un avenir désirable)
Exemples de questions à poser : Quels résultats espérez-vous à court terme ? Quels changements tangibles souhaitez-vous voir après cette intervention ? Quels bénéfices espérez-vous pour le groupe ou l’organisation ?
🧭J’aime voir le SPIRE comme une boussole pour poser les bases d’une intervention ciblée, porteuse de sens, et efficace.
Concevoir des ateliers sur mesure
💡La personnalisation est au cœur de ma pratique en tant que facilitatrice. Je conçois chaque intervention une réponse singulière au contexte, aux objectifs, aux intentions et à la dynamique du groupe que j’ai cartographié durant le cadrage. L’idée est d’offrir un cadre qui permette aux participants de s’exprimer librement tout en progressant collectivement vers leurs objectifs. Et pour cela, je suis fan des métaphores pour faire voyager les participants !
Par exemple : en début d’année j’ai accompagné 2 collectifs managériaux qui rencontraient des tensions dans leur collaboration. J’ai pris la métaphore du voyage pour leur permettre de coconstruire un plan d’action pour améliorer leurs modes de fonctionnement. Je vous partage le programme avec les éléments métaphoriques que j’avais choisis.

💡Je structure systématiquement mes interventions en plusieurs séquences complémentaires : des temps de réflexion individuelle pour amorcer les idées (diverger avec soi-même), des échanges en sous-groupes pour favoriser une diversité de points de vue (divergence, émergence), puis des temps en plénière pour converger et coconstruire des solutions partagées. Cette approche en escalier se veut progressive, et permet de respecter le rythme de chacun tout en enrichissant la dynamique collective.
💡J’aime également intégrer le dessin ou les représentations visuelles, car elles permettent de se décaler, s’éloigner de la pensée rationnelle offrant des perspectives différentes tout en facilitent les échanges.
Par exemple : ci-dessous les travaux de 4 sous-groupes d’un département en charge du déploiement d’un réseau mobile. Consigne : illustrez en utilisant des éléments du votre domaine d’activité (ex : antenne, pylône, etc.) les moments qui ont marqué cette année ensemble. Cette approche ludique et visuelle a permis d’éveiller la mémoire collective et de déclencher des discussions riches en émotions.

A retenir 💾
J’imagine chaque accompagnement pour résonner avec les besoins spécifiques du commanditaire et du groupe, en tenant compte à la fois des enjeux rationnels et des dimensions émotionnelles qui influencent la dynamique du groupe. Le jour j, pleinement présente dans l’expérience que je propose aux participants, je réajuste en cours de route selon ce qui se passe dans le groupe et aussi de manière à gérer les imprévus (exemple : retard pris, soucis dans la formulation de la consigne, etc.).
La facilitation comme voyage d’apprentissage continu
Bien qu’il existe de nombreux outils et formats clés en main, ma conviction est que personnaliser l’expérience peut faire toute la différence. Cela permet d’éviter le « déjà vu » et de créer l’effet waouh chez les participants. Cette approche rend également l’expérience plus stimulante et enrichissante pour le facilitateur, qui se renouvelle.
Chaque situation est unique, et savoir naviguer dans l’incertitude avec authenticité est une compétence essentielle. Si les outils sont des supports, la posture du facilitateur, son écoute et sa capacité à capter les besoins du groupe feront la différence.
👉🏼Oser se lancer, tester, s’appuyer sur ses ressentis, ajuster l’approche en temps réel et valoriser l’intelligence collective, etc. c’est créer des conditions propices à des conversations qui comptent. Avec le temps, les expériences enrichissent la palette de pratiques et renforcent l’intuition, faisant de la facilitation un chemin d’apprentissage continu, riche en découvertes et en remises en question.
Voilà ce qui rend la facilitation à la fois passionnante et accessible à tous ceux qui souhaitent accompagner les collectifs vers plus de collaboration et de créativité.