Moi hyperactive ? c’est drôle d’observer comment chacun prévoit ses vacances : si je grossis le trait, il y a ceux dont le programme est aussi chargé que le reste de l’année et ceux qui se posent et se reposent pour mieux attaquer la rentrée à fond. Un monde qui fuit le vide ? Si j’écris cet article c’est que je connais bien ce piège. Il porte les habits flatteurs du dynamisme, de l’efficacité, de l’engagement, parfois même du dévouement. Il s’appelle suractivité voir hyperactivité ; mais sous ce masque se cache souvent un stratagème plus sournois : l’anesthésie de nos mutations en cours. Quand une part de nous est appelée à se transformer, que ce soit dans une transition professionnelle, une bascule de vie, une remise en question identitaire, une tension naît. Une tension féconde, mais exigeante. Elle bouscule les équilibres établis, met en lumière les fissures anciennes, convoque l’invisible et le non-su. Ce moment-là, nous préférerions l’éviter. Car rester dans cette tension, c’est accepter de ne pas savoir. De ne plus être tout à fait celui ou celle que nous étions, sans encore connaître celui ou celle que nous devenons. C’est éprouver l’inconfort, le désordre, la peur du vide. Et dans un monde où « remplir » est valorisé, le vide est suspect. Alors, pour ne pas sentir, on remplit. On sur-remplit l’agenda, les to-do lists, les obligations professionnelles, sociales, affectives. On devient un orchestre à soi seul : à la fois percussionniste, violoniste, chef et régisseur. On s’active, on s’accélère, on s’épuise parfois… mais surtout : on évite. Comme on grignote nerveusement dans un moment d’angoisse, on s’hyperactive pour ne pas rester avec l’inconnu. Or, cette tension intérieure n’est pas l’ennemie. Elle est le signe que quelque chose en nous est en train de naître. Que notre identité ancienne vacille, non pour disparaître, mais pour laisser émerger une forme plus ajustée, plus vivante, plus vraie. La fuite dans l’action vient rompre le processus. Elle nous garde à la surface, alors même qu’un appel plus profond nous invite à plonger. Réhabiliter la Reste-habilité Et si l’on réhabilitait une autre capacité ?Non pas la capacité à faire toujours plus, mais celle à rester dans le moins. La Reste-habilité, c’est accueillir le silence, le ralentissement, la non-réponse. C’est oser demeurer dans ce moment où « je ne sais pas », où « je ne suis pas sûre », où « ça tremble ». C’est une posture d’ouverture, pas de passivité. Une présence radicale à ce qui est, plutôt qu’un activisme défensif. Une habilité à rester avec la peur sans la couvrir d’un nouveau projet, Une habilité à rester avec la fatigue sans la maquiller en performance. Une habilité à rester avec le non-sens apparent pour laisser advenir du sens. Une habilité à rester avec les parts de soi qui s’opposent, se déchirent, résistent. Et c’est difficile. Toute chrysalide est une chambre d’inconfort. Ce n’est pas dans la vitesse que l’on devient papillon, mais dans la dissolution patiente de ce que l’on croyait être. Et pour laisser jaillir le nouveau, quelle place êtes-vous prêt à lui laisser ?
(Article garanti sans iA) Dans mes récents accompagnements de managers ou de collectifs, deux mots reviennent avec insistance : « 𝐫𝐚𝐥𝐞𝐧𝐭𝐢𝐫 » 𝐞𝐭 « 𝐬𝐞́𝐜𝐮𝐫𝐢𝐭𝐞́ ».Derrière ce dernier mot, se cache une vague d’inquiétude diffuse très reliée au contexte : des peurs diverses. Biensûr l’actualité économique, écologique, diplomatique et politique nourrit cette insécurité, comme un nuage sombre qui plane au-dessus de nos têtes. ❓ 𝐐𝐮𝐞𝐥 𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐞 𝐫𝐨̂𝐥𝐞 𝐝𝐮 𝐜𝐨𝐚𝐜𝐡 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐚𝐜𝐜𝐨𝐦𝐩𝐚𝐠𝐧𝐞𝐫 𝐥’𝐢𝐧𝐬𝐞́𝐜𝐮𝐫𝐢𝐭𝐞́ ?Donner de la sécurité n’est pas un objectif atteignable. 𝐂’𝐞𝐬𝐭 𝐮𝐧 𝐝𝐞́𝐬𝐢𝐫 𝐡𝐮𝐦𝐚𝐢𝐧 𝐟𝐨𝐧𝐝𝐚𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐥, une quête sans cesse remise en jeu. Pour nous, coachs, la tentation serait grande d’y répondre en « sécurisant » nos clients : par la réassurance, la présence enveloppante, le mythe du coaching sur la « confiance en soi »Or, c’est là 𝐮𝐧 𝐥𝐞𝐮𝐫𝐫𝐞. Nous n’avons pas le pouvoir d’apporter la sécurité. Nous pouvons, en revanche, accompagner 𝐥𝐚 𝐫𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐥’𝐢𝐧𝐬𝐞́𝐜𝐮𝐫𝐢𝐭𝐞́, cet espace où la peur parle, mais où quelque chose de vivant cherche à se dire. 🤔 En relisant ces jours Simone Weil, dans « L’Enracinement », je découvre un nouvel éclairage.« 𝑳’𝒂̂𝒎𝒆 𝒂 𝒃𝒆𝒔𝒐𝒊𝒏 𝒅𝒆 𝒔𝒆́𝒄𝒖𝒓𝒊𝒕𝒆́, 𝒎𝒂𝒊𝒔 𝒂𝒖𝒔𝒔𝒊 𝒅’𝒖𝒏 𝒓𝒊𝒔𝒒𝒖𝒆 𝒎𝒆𝒔𝒖𝒓𝒆́. 𝑺𝒊 𝒍𝒆 𝒃𝒆𝒔𝒐𝒊𝒏 𝒅𝒆 𝒔𝒆́𝒄𝒖𝒓𝒊𝒕𝒆́ 𝒍’𝒆𝒎𝒑𝒐𝒓𝒕𝒆 𝒂̀ 𝒍’𝒆𝒙𝒄𝒆̀𝒔, 𝒍𝒂 𝒗𝒊𝒆 𝒅𝒆 𝒍’𝒂̂𝒎𝒆 𝒔’𝒆́𝒕𝒊𝒐𝒍𝒆. 𝑺𝒊 𝒍𝒆 𝒓𝒊𝒔𝒒𝒖𝒆 𝒍’𝒆𝒎𝒑𝒐𝒓𝒕𝒆, 𝒆𝒍𝒍𝒆 𝒔𝒆 𝒅𝒆́𝒕𝒓𝒖𝒊𝒕. »Simone Weill nous rappelle que les besoins de l’âme vont toujours 𝐩𝐚𝐫 𝐩𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 : sécurité et risque, obéissance et liberté, égalité et hiérarchie.Accompagner le besoin de sécurité, c’est donc 𝐫𝐞́𝐡𝐚𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞𝐫 𝐬𝐚 𝐩𝐨𝐥𝐚𝐫𝐢𝐭𝐞́, 𝐥𝐞 𝐫𝐢𝐬𝐪𝐮𝐞 : Aider le coaché à reconnaître son besoin de se sentir en sécurité tout en réapprenant à s’exposer au réel, à l’imprévisible, à la vulnérabilité de l’existence. C’est ainsi qu’on se solidifie.🔆 Le rôle du coach n’est pas de fournir des digues, mais d’𝐨𝐟𝐟𝐫𝐢𝐫 𝐮𝐧 𝐞𝐬𝐩𝐚𝐜𝐞 𝐝𝐞 𝐯𝐞́𝐫𝐢𝐭𝐞́ où la peur puisse être nommée, traversée, intégrée; un face-à-face avec les dragons intérieurs nécéssaire. Mais nous devons aussi ouvrir l’espace de la prise de risque : Oser. Oser y aller sans tout contrôler. Remplacer le contrôle par l’ancrage : une sécurité intérieure qui n’exige plus la certitude du monde pour se sentir vivante.« 𝑳’𝒆𝒏𝒓𝒂𝒄𝒊𝒏𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒆𝒔𝒕 𝒑𝒆𝒖𝒕-𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆 𝒃𝒆𝒔𝒐𝒊𝒏 𝒍𝒆 𝒑𝒍𝒖𝒔 𝒊𝒎𝒑𝒐𝒓𝒕𝒂𝒏𝒕 𝒆𝒕 𝒍𝒆 𝒑𝒍𝒖𝒔 𝒎𝒆́𝒄𝒐𝒏𝒏𝒖 𝒅𝒆 𝒍’𝒂̂𝒎𝒆 𝒉𝒖𝒎𝒂𝒊𝒏𝒆 », écrit encore Simone Weil.Être enraciné, c’est accepter d’habiter le monde tel qu’il est instable, fragile, changeant, sans fuir vers le fantasme d’un sol plus ferme. 📌 Et c’est là, peut-être, notre tâche d’accompagnant : 𝐧𝐨𝐧 𝐩𝐚𝐬 𝐫𝐚𝐬𝐬𝐮𝐫𝐞𝐫, 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐫𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐜𝐚𝐩𝐚𝐛𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐯𝐢𝐯𝐫𝐞.
C’est mon 2e article sur le sujet. Et une étude[1] récente vient conforter mes perceptions. On parle beaucoup du bien-être des salariés. Très bien. Mais qui ose parler de la santé mentale de celles et ceux qui tiennent la barre ? les dirigeants. Diriger, c’est décider, trancher, assumer. Et selon cette étude, 75 % des dirigeants sont en stress chronique, 67 % n’arrivent plus à décrocher, et 44 % ne dorment jamais assez. Voilà la réalité. le terme « Santé mentale » donne l’illusion que c’est un problème personnel de santé : or, le problème n’est pas individuel, il est systémique et culturel. Ce n’est pas parce que les dirigeants ne “savent pas gérer leur stress” qu’ils craquent. C’est parce que nos entreprises fonctionnent encore sur un modèle héroïque, où le dirigeant doit être partout, tout le temps, infaillible au nom de la “performance”. Résultat : un tiers seulement ose consulter un professionnel, et 64 % considèrent que c’est encore tabou.Le coût de ce silence ? Décisions biaisées, perte de créativité, climat social délétère, voire effondrement pur et simple des structures. 9 dirigeants sur 10 savent que leur santé mentale impacte directement la performance de leur entreprise. Et pourtant, combien ont mis en place un dispositif de suivi, un relais de direction, un droit au répit ? Arrêtons de culpabiliser les individus (“tu devrais mieux gérer ton temps, ton sommeil, ton équilibre vie pro/vie perso”). Ce n’est pas une affaire de volonté personnelle, c’est une question de gouvernance. Changer la donne, c’est :– Normaliser la vulnérabilité au sommet. Dire “je fatigue” n’est pas une faiblesse mais un acte de lucidité.– Instituer des binômes ou équipes de direction, des relais de décision, des cercles de soutien – Faire de la santé mentale un indicateur stratégique, suivi en comité exécutif comme le sont la rentabilité ou la trésorerie. Un dirigeant qui prend soin de son équilibre n’est pas un “fragile” : il investit dans la pérennité de son entreprise. L’ère du patron invincible est révolue. L’avenir appartient aux leaders qui assument d’être humains et qui bâtissent des organisations robustes parce qu’elles ne reposent pas sur l’épuisement d’une seule personne. La santé mentale des dirigeants n’est pas un luxe. C’est une question de survie économique. PS : j’ai utilisé l’IA pour obtenir une synthèse de l’étude notamment ses chiffres clés. L’article est rédigé sans IA. [1] [1] (étude Choisel 2025 : « santé mentale des dirigeants : sortir du tabou et créer une culture de la résilience) https://www.choiseul-france.com/sante-mentale-des-dirigeants-sortir-du-tabou-batir-une-culture-de-resilience/
(Article garanti sans iA) Pourquoi les gens conscients choisissent de déserter les organisations ? Il est des réveils qui ne pardonnent pas.Celui qui, après un coaching profond ou une session de l’Élément Humain, retourne dans son entreprise conscient de ses ombres, de ses projections, capable de réguler ses émotions avec discernement découvre souvent un autre monde. Ce qui hier semblait “normal” devient brutalement insoutenable. L’inconscient collectif, cette force d’attraction Oui, l’inconscient collectif de l’entreprise est puissant : le masque du rôle, la culture de la performance, la peur de ne pas être à la hauteur, la loyauté à des règles implicites où l’émotion est suspecte, le temps toujours plus accéléré.Comme le disait Sérieyx : « La culture est toujours plus forte. »L’organisation agit comme un champ magnétique : elle ramène chacun à sa persona, cette figure sociale façonnée pour correspondre aux attentes du milieu. Et celui ou celle qui tente de rester conscient dans cet univers s’expose à un double risque : l’usure et la solitude. Car plus la conscience s’élargit, plus la dissonance devient douloureuse. C’est ce que Jung appelait “le fardeau de la vision”.On se met à parler une autre langue, à percevoir d’autres dimensions.On devient psychologiquement seul, même entouré. Le fardeau de la lucidité À mesure que la conscience grandit, la tension entre soi et le système s’intensifie.C’est le paradoxe de l’éveil : plus on devient lucide, plus il devient difficile de rester dans un environnement qui ne l’est pas.Beaucoup finissent par se retirer, non par désamour du monde, mais pour ne pas se trahir. Henri Laborit l’a magnifiquement formulé dans Éloge de la fuite : « Fuir, c’est parfois la seule manière de ne pas mourir intérieurement. » Alors certains disparaissent doucement du monde de l’entreprise :ils deviennent formateurs, thérapeutes, coachs, artisans, ou simplement des êtres qui vivent au rythme de leur conscience retrouvée.Ils ne fuient pas la société, ils cherchent un espace où l’être peut exister sans s’excuser. Mais que devient alors l’entreprise ? C’est la question qui me hante.Si ceux qui montent en conscience s’en vont, l’entreprise reste livrée aux forces inconscientes qui la gouvernent : la peur, le contrôle, la compétition. Et le système se prive des âmes capables de le transformer. Heureusement, certains choisissent de rester.Non pour “sauver” le système, mais pour y semer, patiemment, des graines de conscience.Ces coachs internes, ces managers lucides, ces leaders silencieux qui, au quotidien, cherchent à tenir ensemble ce qui semble s’opposer :la performance et la présence,la stratégie et la sagesse,le collectif et l’individuation. Ils marchent sur une ligne de crête étroite : celle de la conscience au cœur du collectif inconscient.Ils ne s’opposent pas à la tension, ils la transforment. Tenir ensemble les contraires Peut-être la question n’est-elle pas de savoir si l’entreprise est un terreau favorable à la conscience, mais si chacun de nous peut y maintenir vivante une présence consciente sans s’y perdre. C’est là le véritable défi du monde du travail aujourd’hui :tenir ensemble le système et la conscience,le réalisme et la profondeur,le collectif et la vérité intime. Ce défi, certains le fuient pour se préserver — et ils ont raison.D’autres l’habitent, pour le transformer de l’intérieur — et ils ont du courage. Et si, au lieu d’opposer fuite et engagement, nous reconnaissions que les deux participent d’un même mouvement de vie ? Apprendre à demeurer dans cette tension sans se dissoudre, à voir sans juger, à agir sans se perdre : voilà l’art. Comme le disait Jung : « Ce que l’on ne devient pas conscient revient sous forme de destin. » Et si notre destin collectif dépendait justement de ceux qui, sans renier leur lucidité, osent encore y croire ? C’est mon cas.
Dans un monde où l’urgence du changement se fait de plus en plus pressante, Stephan Schwartz[1] propose une voie singulière, fondée non sur la force ou la confrontation, mais sur la non-violence, la compassion et l’« être-té » — ce noyau intime de cohérence entre ce que nous sommes, pensons et faisons. Assister au discours de Martin Luther King, « I Have a Dream », fut pour Schwartz un tournant fondateur. Il y découvre une question centrale : quels sont les mécanismes par lesquels une poignée de personnes peut, sans violence, faire advenir des changements sociaux profonds et durables ? Son travail de chercheur et d’historien l’a conduit à identifier 8 lois du changement[2], toutes issues de l’analyse rigoureuse de mouvements réussis dans l’histoire humaine : de Gandhi à la chute du mur de Berlin. Ces lois ne sont pas des recettes miracles, mais des règles de cohérence intérieure et collective, qui permettent à chacun, à son échelle, de devenir acteur de la transformation individuelle et mondiale. Les 8 lois du changement selon Stephan Schwartz Partager une intention commune : qu’elle soit personnelle ou collective, l’intention donne la direction au changement. Ne pas avoir de préférence en matière de résultats : on agit sans s’attacher à l’issue, dans une forme de lâcher-prise actif. Accepter que les objectifs puissent ne pas être atteints de son vivant : le changement dépasse l’individu et s’inscrit dans une temporalité plus vaste. Renoncer à la gloire personnelle : l’action juste se suffit à elle-même, sans attendre reconnaissance ni statut. Considérer chaque personne sur un pied d’égalité : quelles que soient sa culture, sa fonction ou son origine, chacun a la même dignité. Renoncer à toute violence, en pensée, en parole ou en acte : c’est la condition pour que le changement soit durable. Aligner vie personnelle et posture publique : la cohérence entre ce que l’on prône et ce que l’on incarne est indispensable. Agir toujours avec intégrité et bienveillance : sans cela, le changement génère sa propre ombre. L’« être-té » comme socle d’action Au cœur de ces principes se trouve une notion subtile mais essentielle : l’« être-té », que Schwartz reprend de Gandhi. Ce terme désigne la nature de votre caractère : ce que vous êtes, votre manière d’être, la cohérence intime entre vos actes, vos choix, votre regard sur les autres et vous-même. C’est ce noyau invisible mais perceptible qui rend votre action crédible, contagieuse, inspirante. L’« être-té » n’est ni performance, ni posture morale. C’est un art de la présence, un engagement silencieux mais profond. Et c’est aussi cela qui, selon Schwartz, favorise un changement réellement transformateur. Le rôle de chacun dans l’unité du vivant La vision de Schwartz repose sur une autre intuition forte, désormais appuyée par les sciences contemporaines : nous sommes interconnectés. Nos choix individuels, jusqu’aux plus anodins, contribuent à façonner un champ collectif. Agir à partir de son être, c’est aussi influencer un système beaucoup plus vaste. Il ne s’agit pas seulement de stratégie sociale, mais d’une manière nouvelle de comprendre la transformation : de l’intérieur vers l’extérieur, du subtil vers le visible. Il ne suffit pas de protester : il faut incarner. Il ne suffit pas de vouloir : il faut vibrer en cohérence. Loin des injonctions héroïques ou des luttes acharnées, la voie proposée par Stephan Schwartz est exigeante mais radicalement humaine. Elle invite à changer en demeurant fidèle à soi, à créer sans imposer, à agir dans la justesse plutôt que dans la puissance. En temps de crises, cette perspective ouvre un chemin précieux : celui d’une transformation porteuse de sens, de paix, et de durabilité. [1] Stephan Schwartz est un pionnier de l’archéologie intuitive, professeur à l’université de Saybrook, responsable du groupe cerveau, esprit, soin au Samueli Institute chercheur au Cognitive Sciences Laboratory (laboratoire des sciences cognitives), membre de la fondation BIAL. Depuis 40 ans, il étudie la nature de la conscience, et plus particulièrement son aspect indépendant de l’espace et du temps. [2] « Les 8 lois du changement – Devenez acteur de la transformation individuelle et mondiale », Ed Guy TREDANIEL 2019
Qu’est qu’un coaching réussi ? Dans l’un des groupes de supervision que j’anime nous avons dû repenser explicitement l’intérêt du contrat de coaching tripartite. Pourquoi ? parce que le doute s’instaure lorsque l’écart se creuse entre les objectifs fixés au démarrage dans les règles de l’Art et ce qui émerge pour le coaché au cours du contrat. Coacher pour rester… ou pour partir ? Depuis quelques années, un phénomène interpelle : de plus en plus de personnes choisissent, à l’issue d’un coaching réussi, de quitter leur entreprise. Non pas par fuite. Par lucidité. Ce constat peut déranger. Et pourtant, il ne traduit ni une défaillance du coaching, ni une déloyauté du coaché, ni une erreur de casting de l’entreprise. Il est simplement le reflet d’un processus vivant, authentique, qui parfois révèle que les chemins se séparent… en bonne intelligence ou pas selon le contexte. L’alliance tripartite : point de départ indispensable, Un coaching professionnel commence toujours par-là : s’assurer que les attentes de l’entreprise et les intentions du coaché sont compatibles. C’est une base déontologique, une marque de respect pour tous. L’entreprise n’est pas un ennemi du coaching — elle en est souvent la première initiatrice ; elle n’est cependant pas toujours prête à en assumer les conséquences : quand une partie bouge c’est tout le système qui est invité à bouger parfois. Par ailleurs, comme tout chemin de transformation, le coaching peut faire émerger des vérités inattendues. Un coaché peut découvrir que ce qui l’animait hier ne suffit plus. Ou que les évolutions de l’organisation sont devenues dissonantes avec sa boussole intérieure. Ce n’est pas une rupture de contrat : c’est une évolution de conscience. Le paradoxe du coaching aux objectifs rationnels Il y a là une tension à accueillir : beaucoup d’entreprises souhaitent des objectifs clairs, mesurables, pilotables. Cela se comprend : le coaching représente un investissement, et toute organisation a besoin de repères. Mais le paradoxe, c’est que plus un coaching est profond et respectueux du vivant, moins ses effets sont prévisibles. Un coaché peut gagner en confiance, affirmer sa posture… et vouloir rester. Mais il peut aussi, à force de se réconcilier avec lui-même, prendre conscience que son rôle actuel ne fait plus sens. Le coaching l’a aidé à se remettre au centre de son existence.Et parfois, ce centre n’est plus dans l’entreprise. Changer de poste, ou changer de cap ? Faut-il s’en inquiéter ? Pas nécessairement. Un coaching qui amène un collaborateur à prendre une décision libre, posée, en lien avec ce qu’il est devenu, est un coaching réussi. Même si cela signifie une mobilité interne. Ou un départ. Ce qui compte, c’est la qualité du discernement, pas le maintien en poste à tout prix. Critères d’un « bon » coaching (même s’ils ne rentrent pas dans un tableau Excel) Ce qui m’invite à déterminer que le processus de coaching a porté ses fruits, au-delà des indicateurs classiques (atteinte des objectifs….), peut se nommer ainsi : Le coaché retrouve un pouvoir d’agir personnel, non dicté par ses peurs ou par la volonté de plaire. Il gagne en lucidité sur son environnement et sur ses propres fonctionnements. Il affine sa boussole intérieure : ce à quoi il veut contribuer, ce qu’il est prêt à traverser, et ce qu’il ne veut plus nourrir. Il fait des choix cohérents, assumés, alignés avec ce qu’il est devenu — non par opposition, mais par fidélité à lui-même. Et surtout : il devient un acteur libre de ses décisions, et non le produit d’une injonction extérieure. La responsabilité du coach Le coach n’est pas responsable de ce qui se passe à l’issue du coaching. Il n’a aucun pouvoir sur les choix d’une personne. En revanche en cours de contrat, que doit-il faire si le client manifeste son désir de quitter l’entreprise ? Est -ce que cela justifie de mettre fin au contrat d’accompagnement ? d’informer le manager ou le DRH ? Notre principale obligation est d’être garant du processus et de veiller à ce que le coaché ait fait, tant que faire ce peu, tout ce qui est de son ressort pour dialoguer avec l’organisation sur ses attentes et ses besoins s’ils ont évolué. Une tripartite intermédiaire peut contribuer à faciliter ce dialogue s’il s’avère délicat. La décision de partir, pour autant ne peut pas toujours être dévoilée et cela génère de profonds conflits éthiques car la relation de confiance coach/coaché suppose une position partagée. C’est l’espace de supervision qui permet de discerner l’attitude qui permettra d’être loyal au contrat et au coaché. Mais c’est aussi en amont du coaching que cette perspective peut être abordée. Un espace de maturité collective Loin d’être une menace, ces évolutions sont une opportunité pour les entreprises : celle de s’entourer de collaborateurs alignés, engagés par choix, et non par inertie ou obligation. À une époque où l’engagement ne se décrète plus, où la quête de sens devient centrale, le coaching offre un espace de dialogue authentique entre l’individu et l’organisation. Encore faut-il accepter que la vérité ne soit pas toujours confortable. Mais elle est toujours féconde, si l’on s’y rend avec ouverture.
Nous vivons un moment de basculement. Tout le monde en parle. Un entre-deux inconfortable. Pourquoi est-ce si long et compliqué ? Une tension palpable par beaucoup de mes clients. Un accouchement difficile aux contractions douloureuses. Et comme souvent face à l’inconfort, surgit une tentation de repli vers des certitudes anciennes, des identités figées, ou de colère exprimée parfois de façon violente ou à travers des votes politiques chaotiques. Quels sont ces paradigmes « menacés » qui résistent? Un paradigme est un ensemble de croyances qui structurent la façon dont une société comprend le monde et fonctionne. Dans notre culture occidentale, les paradigmes anciens sont à la fois remis en question et à l’origine de résistances. Je pense au patriarcat, qui continue d’imprégner nos rapports sociaux et familiaux ; au matérialisme, qui fait de la possession un horizon de sens ; la performance, qui prone l’efficacité au dépens du bien être des sujets au travail ; à notre relation à la nature, longtemps dominée par le fantasme de contrôle ; et au rationalisme, qui rejette toute connaissance non objectivable. Changer ces fondations n’est pas un long fleuve tranquille. On n’a jamais autant vu de mouvements contraires coexister. Probable signe d’une étape de résistance. « Nous ne sommes pas à la fin du monde, mais à la fin d’un monde. Et plusieurs mondes coexistent déjà. » Prenons l’exemple des mouvements pour l’égalité de genre : chaque avancée se heurte à du cynisme. Ne parlons pas du mouvement LGBT. C’est la même chose avec notre rapport à la nature : on parle de durabilité, mais les habitudes de surconsommation ont la vie dure. Aujourd’hui « être contre » fait le buzz! Les étapes du syndrome du « Bernard-l’Hermite » : Le syndrome du Bernard-l’Hermite, tel que décrit par François P. Mathijsen[1], illustre quatre grandes étapes par lesquelles passe un individu (ou un collectif) confronté à une expérience qui remet en cause ses habitudes et repères fondamentaux : L’effraction: un événement vient ébranler la structure de référence habituelle — une crise, un bouleversement émotionnel, une révélation intérieure. La mise en crise du paradigme: les croyances anciennes vacillent. L’individu (ou le collectif) doute, cherche, questionne. Ce qui tenait jusque-là semble inadéquat pour comprendre ce qu’il vit. La lutte: un combat intérieur s’engage entre l’ancien et le nouveau. L’identité se fragmente, des tensions se multiplient. Ce moment est souvent celui de l’isolement, de la confusion, parfois de la souffrance voir de la violence. La réorganisation: une nouvelle cohérence finit par émerger. L’individu (le collectif) réinterprète le réel à partir d’un autre cadre. Un nouveau paradigme est intégré, mais il est encore fragile. Ce modèle met en lumière les turbulences intérieures provoquées par un changement de vision du monde. Comme le dit Renard[2], « la réduction rationaliste et l’expansion merveilleuse apparaissent comme deux processus normaux du psychisme humain ». Aujourd’hui, nous sommes en pleine rupture cognitive, un moment inconfortable, mais nécessaire pour construire de nouveaux repères. Une nouvelle compétence à développer : la reste-habilité (3) Rester dans la tension est pour moi un acte de maturité. Et c’est en soi un changement de paradigme dans un monde forgé à la logique problème/solution C’est précisément dans cette tension qu’émerge la possibilité d’un autre rapport à soi et au réel. Accepter de demeurer dans cet entre-deux, sans céder au désespoir ni à l’impatience, est un acte de maturité profonde. Cette tension n’est pas une anomalie à corriger : elle est le signe même du vivant en mutation. Quelle place pour l’accompagnement de ce mouvement ? Dans ce contexte, l’accompagnement, qu’il soit individuel ou collectif, n’a jamais eu autant de sens. Non pour offrir des solutions toutes faites, ni pour accélérer la traversée, mais pour soutenir l’émergence d’une posture plus ancrée, plus consciente, capable de faire place à l’inconnu. L’accompagnant devient alors moins un expert qu’un gardien du seuil, capable de soutenir l’inconfort, d’accueillir les doutes, et de révéler, en filigrane, les nouvelles voies qui cherchent à naître. Habiter ce chaos temporaire, c’est oser ne pas savoir. C’est écouter ce qui se défait sans chercher à le retenir. C’est faire confiance à la vie en mouvement, même quand elle ne répond plus aux grilles de lecture du passé. [1] F.P Mathijsen, Psychologue belge, spécialisé dans les expériences exceptionnelles, le paranormal, et leur impact sur la santé mentale. Un article publié dans Mental Health, Religion & Culture (2015) où F. P. Mathijsen propose un modèle baptisé le « syndrome Bernard‑l’hermite », qui explore les étapes cognitivo‑émotionnelles menant à un changement de vision du monde [2] Jean Bruno RENARD, Le merveilleux. Sociologie de l’extraordinaire (CNRS Éditions 2011) (3) : Expression empruntée à Issa Padovani, conférencière et enseignante Suisse de Communication Non violente entre autre
Vivre ce que l’on veut ou exprimer la vie que nous sommes ? Jérôme a demandé à son entreprise un coaching professionnel pour développer son impact dans l’exercice de sa fonction de cadre sup. Il veut dépasser ce qui l’en empêche pour mieux gravir les échelons. En tant que coach professionnelle, j’ai appris qu’« il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». Alors, on a fixé des « objectifs » conformément à la déontologie de notre métier. Dans l’imaginaire collectif, une promesse fallacieuse, que le coaching renforce, influence nos orientations : L’idée qu’on peut « vivre la vie que l’on veut », façonner notre existence à l’image de nos désirs, à coups de volontarisme, d’outils et de plans stratégiques. La loi de l’attraction,[1] mal comprise, a renforcé cette représentation. A cela s’ajoute, d’autres injonctions très en vogue : « Sois authentique », « Ose être toi-même », « Exprime qui tu es vraiment ». De quoi parle-t-on ? Derrière cette quête d’authenticité, une confusion majeure s’est installée. On confond souvent l’expression de soi (le « moi ») avec l’expression du Soi (4). Or, tout ce qui est spontané n’est pas nécessairement juste. Tout ce qui est sincère n’est pas toujours aligné. Tout ce qui est vrai dans l’instant ne sert pas forcément la vérité de notre être. Et tout ce qui est « voulu » n’est pas au service de notre évolution. D’où viennent nos désirs ? De notre être profond ou des conditionnements sociétaux et inconscients ? Encore une fois, une confusion s’insinue entre « être responsable de sa vie » et « maitriser » sa vie. L’obsession du « je veux » n’est souvent qu’une manifestation des aspects blessés ou conditionnés de notre personnalité (appelés l’ego ou « moi ») : une tentative de contrôle sous prétexte de liberté. Mon avis, est que c’est ici que s’insinue la grande confusion : choisir sa vie n’a jamais voulu dire la contrôler. Oui, nous créons notre réalité (je choisis consciemment ou inconsciemment) – mais pas comme des démiurges imposant leur volonté au monde. Nous la créons par nos postures, nos ouvertures, nos réponses à ce qui advient. Choisir, au sens profond, ce n’est pas tordre la vie à notre image, c’est reconnaître l’invitation du réel et mieux déterminer la façon dont nous y répondons. Répondre avec justesse, se mesure aux fruits et à la joie (qui n’est pas équivalent au plaisir) qui résultent de l’action. « L’homme agit toujours selon les lois nécessaires de sa nature ; il ne suit pas un libre décret de la volonté. » – Spinoza[2] (Éthique). Loin du fantasme de toute-puissance, je crois aujourd’hui que la véritable liberté n’est pas d’obtenir ce que l’on veut, mais de s’accorder à ce qui est. La vie ne se plie pas. Elle s’invite en nous. Elle nous traverse. Et grâce à elle, nous dévoilons petit à petit des aspects de notre être. D’ailleurs, ce sont souvent les crises, qui nous permettent de découvrir qu’en nous, il y a plus grand que nous. La maturité, ce n’est pas chercher à vivre la vie que l’on veut, mais exprimer pleinement la vie que nous sommes appelés à être. Ce n’est pas une soumission, c’est une écoute. Loin d’un projet de conquête, c’est une posture d’accueil. Ce que Heidegger appelait le Gelassenheit, ce lâcher-prise radical face à l’être : « L’homme n’est pas le seigneur de l’étant. L’homme est le berger de l’Être. » [3]. En résumé, là où vouloir sa vie génère une crispation, Être la vie est une danse. La question est donc simple, mais vertigineuse : êtes-vous encore en train d’essayer de maîtriser votre vie sous couvert de liberté ? Ou commencez-vous à écouter ce qui, en vous, souhaite advenir ? Au fait, qu’est-il advenu de Jérôme ? Il a dit « Oui » à un projet émergent dans son organisation, au service de l’écologie. Un appel intérieur dit-il en souriant. [1] Loi de l’attraction : La loi de l’attraction fonctionne comme un aimant. Elle repose sur un principe simple, on attire ce sur quoi on porte notre attention en émettant une certaine émotion. C’est l’idée que l’on attire l’énergie que l’on dégage soi-même. [2] «Ethique », Spinoza, ed Gallimard Foliot essais (1994) [3] « Lettre sur l’humanisme », Martin Heidegger , ed Aubier (1992) (4) le Soi selon JUNG est l’archétype de la Conscience (le centre de l’être) et contient tous les contraires. Le rapport du Moi au Soi est décrit par Jung soit comme celui de la Terre tournant autour du Soleil, soit comme celui d’un cercle inclus dans un autre cercle de plus grand diamètre, soit encore comme le fils par rapport au Père. En tout humain, le Soi a un processus autonome. faire Un avec le Soi est le processus dit d’individuation auquel nous sommes tous invités.