Codev : une abréviation trompeuse.

« Codev » est passé dans le langage courant dans le domaine du développement des personnes. Certains diront qu’on use et abuse de ce raccourci. Les abréviations sont utiles pour nous simplifier la vie. Elles économisent les mots tout en appauvrissant aussi le sens qu’on leur donne. Parfois c’est sans importance, parfois non. D’ailleurs le logiciel de traitement de texte le souligne en rouge, signe de faute d’usage.

« Codev » minimise la cohérence de l’approche voulue par les concepteurs Adrien Payette et Claude Champagne. Leur ouvrage de référence s’intitule : le groupe de codéveloppement professionnel. Le titre capture en trois mots le sens de cette approche de formation : le collectif d’un groupe, le codéveloppement renvoyant à l’apprentissage par la coopération et le cadre professionnel.

Leur définition nous en apprend plus « …une approche de formation qui mise sur le groupe et sur les interactions entre les participants pour favoriser l’atteinte de l’objectif fondamental : améliorer la pratique professionnelle. »[1].

Nous sommes bien dans le domaine de la formation et pas face à une méthode de résolution de problème. C’est une approche donc une manière de former avec un point de vue particulier et une méthode spécifique. Le point de vue consiste à miser sur le développement des compétences au travers et grâce aux membres du groupe. La méthode est le traitement d’une situation en six étapes, dont une spécifiquement dédiée aux apprentissages au sens large (pas uniquement sur la situation), on y apprend à apprendre.

Le groupe de codéveloppement est d’une nature particulière, il regroupe des volontaires, des personnes prêtes à partager pour améliorer leur pratique par l’échange entre pairs. Un groupe ne prend son sens que dans la durée et la régularité des échanges, sinon nous sommes faces à un rassemblement. En clair, faire du « codév » dans une rencontre professionnelle pendant une heure ou deux, ce n’est pas faire l’expérience du groupe de codéveloppement professionnel.

Les interactions s’inscrivent dans une dynamique coopérative. Les participants acceptent d’aider les autres et d’être aidé par les autres. Ils s’ajustent dans leurs échanges et alternant altruisme et modestie. Les participants traitent une situation professionnelle, cas pratique et réel. Ce cas est soumis par un membre du groupe : le client, les autres sont des consultants. Les rôles alternent durant la vie du groupe.

Comme dans tout groupe, la régulation est assurée et par le partage de règles de fonctionnement (engagement, coopération, respect et confidentialité) et par l’animation d’un facilitateur.

L’amélioration de la pratique professionnelle est l’objectif d’apprentissage central. Ce point nous semble très souvent oublié, or c’est le but ultime du groupe de codéveloppement professionnel. Il ne prend forme que dans le cadre d’une étape 6 dite des apprentissages structurée, suffisamment longue et qui n’est pas sacrifiée sur l’autel de la gestion du temps.

Prenons l’habitude de parler de groupe de codéveloppement professionnel et laissons codév dans l’armoire des mots valises !

[1] A. Payette et Cl. Champagne, Le groupe de codéveloppement professionnel, PUQ, 2010, page 7.

Philippe Collas, le 19 décembre 2022.

Partager cet article