Moi hyperactive ? c’est drôle d’observer comment chacun prévoit ses vacances : si je grossis le trait, il y a ceux dont le programme est aussi chargé que le reste de l’année et ceux qui se posent et se reposent pour mieux attaquer la rentrée à fond.
Un monde qui fuit le vide ?
Si j’écris cet article c’est que je connais bien ce piège. Il porte les habits flatteurs du dynamisme, de l’efficacité, de l’engagement, parfois même du dévouement. Il s’appelle suractivité voir hyperactivité ; mais sous ce masque se cache souvent un stratagème plus sournois : l’anesthésie de nos mutations en cours.
Quand une part de nous est appelée à se transformer, que ce soit dans une transition professionnelle, une bascule de vie, une remise en question identitaire, une tension naît. Une tension féconde, mais exigeante. Elle bouscule les équilibres établis, met en lumière les fissures anciennes, convoque l’invisible et le non-su.
Ce moment-là, nous préférerions l’éviter.
Car rester dans cette tension, c’est accepter de ne pas savoir. De ne plus être tout à fait celui ou celle que nous étions, sans encore connaître celui ou celle que nous devenons. C’est éprouver l’inconfort, le désordre, la peur du vide. Et dans un monde où « remplir » est valorisé, le vide est suspect.
Alors, pour ne pas sentir, on remplit.
On sur-remplit l’agenda, les to-do lists, les obligations professionnelles, sociales, affectives. On devient un orchestre à soi seul : à la fois percussionniste, violoniste, chef et régisseur. On s’active, on s’accélère, on s’épuise parfois… mais surtout : on évite.
Comme on grignote nerveusement dans un moment d’angoisse, on s’hyperactive pour ne pas rester avec l’inconnu.
Or, cette tension intérieure n’est pas l’ennemie. Elle est le signe que quelque chose en nous est en train de naître. Que notre identité ancienne vacille, non pour disparaître, mais pour laisser émerger une forme plus ajustée, plus vivante, plus vraie.
La fuite dans l’action vient rompre le processus. Elle nous garde à la surface, alors même qu’un appel plus profond nous invite à plonger.
Réhabiliter la Reste-habilité
Et si l’on réhabilitait une autre capacité ?
Non pas la capacité à faire toujours plus, mais celle à rester dans le moins.
La Reste-habilité, c’est accueillir le silence, le ralentissement, la non-réponse. C’est oser demeurer dans ce moment où « je ne sais pas », où « je ne suis pas sûre », où « ça tremble ». C’est une posture d’ouverture, pas de passivité. Une présence radicale à ce qui est, plutôt qu’un activisme défensif.
Une habilité à rester avec la peur sans la couvrir d’un nouveau projet,
Une habilité à rester avec la fatigue sans la maquiller en performance.
Une habilité à rester avec le non-sens apparent pour laisser advenir du sens.
Une habilité à rester avec les parts de soi qui s’opposent, se déchirent, résistent.
Et c’est difficile.
Toute chrysalide est une chambre d’inconfort. Ce n’est pas dans la vitesse que l’on devient papillon, mais dans la dissolution patiente de ce que l’on croyait être. Et pour laisser jaillir le nouveau, quelle place êtes-vous prêt à lui laisser ?
